Unfilm historique est un film avec un degrĂ© d'historicitĂ© assez Ă©levĂ©. C'est Ă  dire un film dont l'annĂ©e diĂ©gĂ©tique sera connue, qui fera rĂ©fĂ©rence Ă  des Ă©vĂ©nements importants de l'histoire. Et on a coutume de l'opposer ou de mettre en parallĂšle avec le film d'Ă©poque qui lui sera un film situĂ© dans passĂ© ou lĂ , simplement, on aura une pĂ©riode de vague. RĂ©sumĂ© Index Plan Texte Bibliographie Note de fin Citation Auteur RĂ©sumĂ©s Le pĂ©plum est un genre cinĂ©matographique longtemps ignorĂ© des critiques comme des historiens du cinĂ©ma. Comment le film Ă  sujet antique fut-il progressivement Ă©difiĂ© en genre sinon majeur, du moins considĂ©rable, de l’histoire du cinĂ©ma ? C’est souvent dans une certaine pĂ©riphĂ©rie de la critique que se joue, au dĂ©but des annĂ©es 1960, cette réévaluation esthĂ©tique du pĂ©plum, Ă  CinĂ©ma 61, Ă  Positif ou encore dans les colonnes d’Image et cette lĂ©gitimation tardive, le mĂ©pris des critiques et des historiens cinĂ©philes n’était pas dĂ» au rejet de la dimension populaire de ce type de films, mais au contraire Ă  une violente opposition Ă  la prĂ©tention artistique qui l’anime. Le genre du film historique, identifiĂ© comme tel dĂšs les origines de l’histoire du cinĂ©ma, est initialement perçu comme une stĂ©rilisation de l’art cinĂ©matographique. À cette marque infamante originelle s’ajoute bien plus tard la dimension populaire du genre qui devient mĂ©prisable parce que populaire. Il n’est alors guĂšre surprenant que certains critiques de cinĂ©ma utilisent le pĂ©plum comme un levier contre-culturel faisant vaciller la hiĂ©rarchie des genres cinĂ©matographiques. Epic Film has been ignored for a long time by both film critics and film historians. How was epic and antic film erected as a major film genre? This aesthetical re-evaluation takes place on the margins of french criticism of the 1960s, for example in reviews like CinĂ©ma 61, Positif or Image et this late process of recognition, the scorn of film lovers was not due to their rejection of the mainstream dimension of these kinds of movies, but on the contrary to a fierce opposition about their artistic ambition. Epic film genre was identified as such as soon as the movies begun, and was at first seen as a loss of artistic capacities of the medium. It was its first sin. Later, the lowbrow dimension of this film genre put another reason for scorning it. It is then hardly surprising that some film critics have used the “peplum” as a lever for a counterculture that could disturb film genre de page EntrĂ©es d’index Haut de page Texte intĂ©gral 1 H. Agel, Dans le sillage d’Ulysse », CinĂ©ma 55, n° 5, 1955, p. 81. Si Dante revenait sur terre, il pourrait assimiler les salles obscures Ă  l’un des neuf cercles de l’Enfer. En certains cas, les producteurs nous soumettent Ă  des tortures raffinĂ©es sans que nous ayons mĂȘme la ressource de hurler. C’est ce que je pensais en subissant – avec quels spasmes malaisĂ©ment surmontĂ©s – l’effroyable Ulysse perpĂ©trĂ© par Mario Camerini1. 1Telle Ă©tait l’opinion d’un lettrĂ© cinĂ©phile quant aux adaptations cinĂ©matographiques d’Ɠuvres antiques au milieu des annĂ©es 1950 – et pas n’importe quel cinĂ©phile puisqu’il s’agit de Henri Agel, professeur de lettres classiques converti au cinĂ©ma. Ce dernier ne dĂ©plore pas uniquement l’infidĂ©litĂ© de Camerini Ă  l’Ɠuvre de HomĂšre, mais aussi son insuffisant dynamisme et pour finir l’échec prĂ©visible d’une telle adaptation. À ses yeux, seules les qualitĂ©s propres au dessin animĂ© eussent autorisĂ© une transposition qui ne fĂ»t pas trahison. L’adaptation du texte antique n’est donc pas condamnĂ©e dans l’absolu, mais elle semble inĂ©luctablement vouĂ©e Ă  l’insuccĂšs. Une aussi longue absence 2 On exclura de cette Ă©tude les travaux relatifs au cinĂ©ma amĂ©ricain des annĂ©es 1900 aux annĂ©es 1940, ... 3 J. Mitry, EsthĂ©tique et psychologie du cinĂ©ma [1963 et 1965], Paris, Éditions du Cerf, 2001. 4 J. A. Gili, Le CinĂ©ma italien, Paris, La MartiniĂšre, 1996. 5 C. Beylie et P. Carcassonne dir., Le CinĂ©ma, Paris, Bordas, 1983. 6 F. Buache, Le CinĂ©ma italien, 1945-1979, Lausanne, L’Âge d’homme, 1979. 7 Id., ibid., p. 26. 8 Id., ibid. 2Que ce soit au nom d’une infidĂ©litĂ© rĂ©elle aux textes anciens, intolĂ©rable aux hommes de lettres alors en charge de la presse cinĂ©matographique – en France comme en Italie – ou pour bien d’autres raisons, le film Ă  sujet antique ou mythologique est, jusqu’à une pĂ©riode rĂ©cente, globalement absent des histoires du cinĂ©ma, Ă  l’exception notable des Ă©tudes relatives au muet italien2. Cette lacune est encore remarquable dans quelques publications importantes des annĂ©es 1970 aux annĂ©es 1990. Pas une ligne en effet dans les ouvrages de Jean Mitry sur le sujet3, pas une notice dans Le CinĂ©ma italien de Jean A. Gili4, Ă  l’exception de trois classiques tous antĂ©rieurs Ă  la DeuxiĂšme Guerre mondiale Quo Vadis, Cabiria et Scipion l’Africain, rien non plus dans le volume encyclopĂ©dique dirigĂ© par Claude Beylie et Philippe Carcassonne et destinĂ© Ă  un plus large public que les ouvrages prĂ©cĂ©dents5. Quant Ă  Freddy Buache6 dont le travail sur le cinĂ©ma italien est certes lĂ©gĂšrement antĂ©rieur aux textes citĂ©s jusqu’alors, il ne mentionne l’abondante production de films Ă  sujet antique que pour mĂ©moire, dans un chapitre sobrement intitulĂ© Les lendemains du nĂ©o-rĂ©alisme la chute jusqu’au tournant des annĂ©es 60 ». Et s’il y prĂ©sente succinctement la production courante des annĂ©es 1950, c’est pour la commenter sans amĂ©nitĂ© [
] le cinĂ©ma italien suit, au cours des annĂ©es, dĂšs 1950, une courbe artistique descendante7 ». Si par ailleurs l’ancien directeur de la CinĂ©mathĂšque suisse consent Ă  mentionner certains films mythologiques, il n’en apprĂ©cie que les productions les plus parodiques celles de Sergio Grieco – soit les moins insipides Ă  ses yeux – et les compare Ă  certaines rĂ©alisations de Frank Tashlin8. 9 Citons entre autres de cet auteur Guide de l’AntiquitĂ© imaginaire. Roman, cinĂ©ma, bande dessinĂ©e, P ... 10 Voir par exemple l’ouvrage extrait de la thĂšse de Natacha Aubert, Un cinĂ©ma d’aprĂšs l’antique du ... 11 Entendons ici ce qualificatif au sens Ă©tymologique du terme, dĂ©signant donc des historiens amoure ... 12 Cf. HervĂ© Dumont, L’AntiquitĂ© au cinĂ©ma. VĂ©ritĂ©s, lĂ©gendes et manipulations, Paris, Nouveau Monde Ă© ... 13 Voir aussi les travaux de Laurent Aknin, Le PĂ©plum, Paris, Armand Colin, 2009, et de FrĂ©dĂ©ric Marti ... 3À rebours de ces considĂ©rations pĂ©joratives, le pĂ©plum est aujourd’hui perçu comme un genre considĂ©rable dans l’histoire du cinĂ©ma. Depuis les travaux nombreux de Claude Aziza9, il s’est vu consacrĂ© par plusieurs sommes, qu’elles soient issues de thĂšses de doctorat10 ou de recherches d’historiens amateurs11 qui sacrifient toutefois Ă  l’érudition acadĂ©mique12. Ce retour du pĂ©plum13 n’est au demeurant pas directement corrĂ©lĂ© Ă  la rĂ©surrection du genre au cinĂ©ma, traditionnellement associĂ©e au Gladiator de Ridley Scott en 2000, mais bien souvent antĂ©rieur Ă  ce dernier film. Il procĂšde de deux sources bien distinctes. La premiĂšre est celle des historiens de l’AntiquitĂ©, des latinistes et des hellĂ©nistes qui ont su voir dans le genre un ensemble de manifestations et de reprĂ©sentations caractĂ©ristiques des imaginaires de l’AntiquitĂ©. La seconde vient de la critique cinĂ©matographique – ou plutĂŽt d’une certaine frange de la critique – fĂ©rue du cinĂ©ma italien des annĂ©es 1950 et 1960, de ce qu’il est convenu d’appeler le cinĂ©ma de genre auquel est apparentĂ© le cinĂ©ma d’aventures populaire, et dont le pĂ©plum reprĂ©sente l’une des tendances. Dans tous les cas, les historiens du cinĂ©ma, le plus souvent d’anciens critiques eux-mĂȘmes, sont absents de cette histoire du genre, pour des raisons qui puisent pour une large part aux origines culturelles de la rĂ©ception du film historique. 14 V. Spinazzola, article publiĂ© dans le dossier Le carnaval des demi-dieux », CinĂ©ma 64, n° 85, 196 ... 15 Ces donnĂ©es sont issues des chiffres du cinĂ©ma en France disponibles sur le site du CNC, pour les a ... 4À l’exception notable de la premiĂšre pĂ©riode du film historique italien, jusqu’au dĂ©but des annĂ©es 1920, le pĂ©plum est donc frappĂ© d’invisibilitĂ© dans les grands textes historiques sur le cinĂ©ma italien. On comprendra aisĂ©ment que cela n’est pas sans poser quelques problĂšmes aujourd’hui. Libre Ă  chacun en effet de considĂ©rer qu’il ne s’agit aprĂšs tout que d’un genre mineur, sans implications culturelles ni industrielles. Cependant, pour ce qui concerne la pĂ©riode 1955-1963 au moins, ce n’est nullement le cas. D’aprĂšs Freddy Buache, dĂ©jĂ  citĂ©, les plus grands succĂšs transalpins des saisons 1954-1955 et 1957-1958 furent respectivement Ulysse de Camerini et Les Travaux d’Hercule de Pietro Francisci. Bien plus encore, un article extrĂȘmement documentĂ© de Vittorio Spinazzola, initialement publiĂ© en Italie dans Film 63, et repris en France dans CinĂ©ma 64, fait Ă©tat de succĂšs publics considĂ©rables Barabbas Richard Fleischer est pour la saison 1962-1963 le plus gros succĂšs du box-office, avec prĂšs d’un million de lires de recettes, suivi de Joseph vendu par ses frĂšres Luciano Ricci, de La Guerre de Troie Giorgio Ferroni ou encore de Romulus et Remus Sergio Corbucci. Comme l’écrit Spinazzola, le groupe de loin le plus consistant [des films totalisant plus de deux-cent mille lires de recettes], presque un tiers du total, est fourni par les films les plus discrĂ©ditĂ©s auprĂšs de la critique et du public cultivĂ© les films historico-mythologiques14 ». La question a le mĂ©rite d’ĂȘtre posĂ©e du point de vue culturel alors que le cinĂ©ma est sans conteste un art populaire, comment ignorer ce qui sĂ©duit le plus les masses, au profit de films d’auteur dĂ©fendus par la critique, mais qui n’attirent qu’un public limitĂ© ? Notons au passage qu’à quelques diffĂ©rences prĂšs prééminence des pĂ©plums amĂ©ricains, la situation est reconduite en des termes quasi identiques en France dĂšs 1953, Quo Vadis Mervyn LeRoy et La Tunique Henry Koster s’étaient hissĂ©s Ă  la cinquiĂšme et Ă  la douziĂšme place des meilleures entrĂ©es de l’annĂ©e, et l’on trouve en 1958 et 1960 au premier rang des succĂšs populaires Les Dix commandements plus de quatorze millions d’entrĂ©es et Ben-Hur prĂšs de quatorze millions, suivis par divers films italiens notamment Les Derniers Jours de PompĂ©i et SalammbĂŽ en 196015. 16 Sur la revue CinĂ©ma et son rĂŽle dans la dĂ©couverte de genres ou de cinĂ©matographies jusqu’alors con ... 5Le dossier de CinĂ©ma 64, Le carnaval des demi-dieux », dans lequel figure l’article de Spinazzola, paraĂźt au moment oĂč ce que l’on qualifie fraĂźchement de pĂ©plum » sort des catacombes dans lesquelles il Ă©tait jusqu’alors plongĂ©16. Il convient donc d’examiner dans un premier temps comment s’opĂšre un progressif retournement d’une partie de la critique cinĂ©matographique qui prend conscience de l’importance de ces films, en tentant de les hisser Ă  une qualitĂ© d’apprĂ©ciation qui en fassent des objets dignes de commentaires. Au regard de cette chronologie, nous reviendrons alors sur la dĂ©considĂ©ration dont le film Ă  sujet antique a joui auprĂšs des historiens consacrĂ©s du cinĂ©ma, afin d’y dĂ©nicher les sources de ce mĂ©pris originel, partant du principe que le succĂšs commercial de tel ou tel genre ne nous semble pas une raison suffisante qui justifierait Ă  elle seule cette mise Ă  l’écart. La critique en sandales le pĂ©plum sans histoire 17 C. Aziza, Le PĂ©plum, un mauvais genre, op. cit., p. 13 et sqq. 18 B. Tavernier, Mythologies italiennes », CinĂ©ma 61, n° 58, 1961, p. 115. 6Notre propos n’est pas ici de retracer la gĂ©nĂ©alogie du mot pĂ©plum, ce qui a Ă©tĂ© fort bien fait par Claude Aziza17, mais plutĂŽt d’essayer de discerner le frĂ©missement critique qui conduit Ă  l’invention, au sens Ă©tymologique du terme, d’un nouveau genre. Claude Aziza reconnaĂźt aux animateurs du cinĂ©-club NickelodĂ©on Bernard Martinand, Yves Martin, Bertrand Tavernier un rĂŽle prééminent dans ce processus d’invention. C’est en effet dans la revue CinĂ©ma 61 que le futur rĂ©alisateur de L’Horloger de Saint-Paul consacre une rubrique aux Mythologies italiennes ». Tavernier semble encore vouloir justifier ses choix, comme s’il s’en excusait presque, par exemple dans le numĂ©ro 58 Ă  propos de La Fureur d’Hercule Carlo Campogalliani J’avoue humblement Ă©prouver un faible pour ces productions italiennes Ă  tendances mythologiques, dernier bastion de l’irrationnel, puisque la science-fiction ne donne plus naissance qu’à un petit nombre d’Ɠuvres18. » Il y revient dans la livraison suivante de la mĂȘme revue 19 Id., ibid., n° 59, aoĂ»t-septembre 1961, p. 115. Bon grĂ©, mal grĂ©, l’invasion de nos Ă©crans par les productions italiennes se poursuit Ă  un rythme effrĂ©nĂ©, et contrairement Ă  l’opinion courante, je trouve cela fort peu regrettable, car maintenant, Ă  force de pratique les transalpins sont parvenus Ă  crĂ©er un vĂ©ritable genre dont il faut beaucoup attendre19. 20 Id., ibid. 21 R. Borde et É. Chaumeton, Panorama du film noir, Paris, Ă©ditions de Minuit, 1955. À propos de l’édi ... 7Bertrand Tavernier devient le plus acharnĂ© des promoteurs de ce nouveau genre » le terme a toute son importance qui ouvre grand les portes Ă  une fantaisie historique rafraĂźchissante dont l’humour, voire le burlesque La Reine des Amazones de Vittorio Sala, l’érotisme, l’originalitĂ© et les rĂ©fĂ©rences cinĂ©philes trĂšs prĂ©sentes et remarquĂ©es chez Riccardo Freda Ă  propos du GĂ©ant de Thessalie notamment sont les Ă©lĂ©ments constitutifs. Hormis Eisenstein qui devient la source obligĂ©e dĂšs lors que l’on parle de Freda mais par le truchement d’un jeu de citations dont Freda a l’initiative, Tavernier se rĂ©fĂšre Ă©galement au film noir amĂ©ricain. Ainsi, Ă  propos de La VallĂ©e des Pharaons de Fernando Cerchio, Tavernier dĂ©clare Le scĂ©nario [
] surprend par un ton intimiste qui Ă©carte curieusement toutes les scĂšnes spectaculaires et qui par moment Ă©voque le film noir amĂ©ricain mais oui par la peinture relativement fouillĂ©e de certains personnages morbides ou » Le processus de lĂ©gitimation est en route qui fonctionne par analogie avec l’un des genres nobles du cinĂ©ma amĂ©ricain le film noir, dont le statut de genre majeur a Ă©tĂ© confortĂ© en France par l’ouvrage de Raymond Borde et Étienne Chaumeton21 et confronte un sous-produit » culturel Ă  ce qui est considĂ©rĂ© alors – pour une frange importante de la cinĂ©philie française – comme l’un des sommets de l’art cinĂ©matographique. 22 Török, Le Maciste ne passera pas », Midi-Minuit fantastique, n° 6, 1963, p. 81-83. 8Contrairement Ă  ce que l’on pourrait imaginer, la dĂ©fense et illustration de ce que l’on appelle dĂ©sormais pĂ©plum n’est pas pratiquĂ©e le plus aveuglĂ©ment par les fanatiques du cinĂ©ma fantastique Jean-Paul Török assassine Maciste en enfer dans le numĂ©ro 6 de Midi-Minuit fantastique, au nom d’une politique des horreurs » qui ne saurait tolĂ©rer l’indigence des effets fantastiques du film22, ni – dans un premier temps – par les sectateurs de l’église auteuriste des Cahiers du cinĂ©ma. Michel Mardore, par exemple, ne consacre de textes au GĂ©ant de Thessalie Freda, dĂ©jĂ  citĂ© puis Ă  Maciste, l’homme le plus fort du monde Leonviola, que pour pousser dans ses retranchements les plus extrĂȘmes, et non sans une certaine ironie, une politique des auteurs qui vise Ă  dĂ©couvrir l’artiste qui se cache parfois trĂšs profondĂ©ment sous le film plus ou moins mĂ©diocre qu’il lui est donnĂ© de chroniquer. Ainsi le film de Leonviola n’est-il dĂ©fendu que parce que son auteur » y joue habilement de l’ombre et de la lumiĂšre et y dĂ©ploie ce que Mardore qualifie de fable apollinienne » dans un monde peuplĂ© d’hommes-taupes menacĂ©s par la clartĂ© du jour. Lorsqu’il s’agit de revenir au pĂ©plum Ă  proprement parler, et aux exploits de Maciste, la poĂ©sie du film lui semble se dĂ©filer 23 M. Mardore, La nuit », Cahiers du cinĂ©ma, n° 132, 1962, p. 50. À chaque exploit » de Maciste, nous dĂ©gringolons au niveau de la baraque foraine et cela ne s’accorde guĂšre, en dĂ©pit des traditions culturistes, avec le respect d’Apollon ou de Diane. Puisque l’intrusion d’un protagoniste invincible et Ă©ternel semble indispensable dans ce genre de bandes, souhaitons aux producteurs d’oublier les gros bras de Maciste et d’Hercule, et de redĂ©couvrir Ulysse23. 9Ainsi l’homme fort Ă©loigne-t-il le pĂ©plum de l’Olympe ou des mythologies antiques. On en revient aux reproches d’Agel Ă  l’encontre du film de Mario Camerini. Un pĂ©plum ne saurait trop dĂ©choir, au niveau de la baraque foraine », et sans qu’il soit mĂȘme question de fidĂ©litĂ© aux textes anciens, les humanitĂ©s classiques font retour chez un Mardore qui rĂ©clame pour satisfaire totalement son goĂ»t de spectateur, quelque hĂ©ros vĂ©ritablement antique. C’était pourtant le mĂȘme Mardore qui, quelques mois plus tĂŽt, avait pris fait et cause pour Le GĂ©ant de Thessalie, dans un article militant en diable contre le prĂ©tendu respect de l’Antique, sans se dĂ©partir pour autant d’un paradoxe certain 24 Id., Les couleurs du ParthĂ©non », Cahiers du cinĂ©ma, n° 122, 1961, p. 58. Que cela plaise ou non, les aĂšdes modernes s’expriment en Scope et en couleurs sur la toile blanche. Les pseudo-intellectuels leur reprochent leur mauvais goĂ»t des bandes dessinĂ©es. Sans cĂ©der Ă  la tentation de faire tourner les tables en notre faveur, j’imagine volontiers que cette esthĂ©tique barbare est plus proche de la sensibilitĂ© des Anciens que maintes reconstitutions universitaires. Ceux qui embaument l’art des civilisations disparues et refusent le cinĂ©ma vivant, au nom du classicisme, oublient la verve et la fantaisie qui caracolaient en bariolages flamboyants sur l’objet de leurs chĂšres Ă©tudes. Pourquoi donc feignent-ils d’ignorer que le ParthĂ©non Ă©tait polychrome ?24 25 G. Legrand, Le peplum et la cape prĂ©cisions sur le cinĂ©ma italien d’inspiration fantastique », ... 26 J. Siclier, L’ñge du pĂ©plum », Cahiers du cinĂ©ma, n° 131, 1962, p. 26-38. 10C’est donc au nom d’une fidĂ©litĂ© supposĂ©e Ă  la sensibilitĂ© des anciens qu’il conviendrait de se dĂ©faire d’un rapport analogique et littĂ©ral avec ce que l’on pense ĂȘtre vĂ©ritablement l’AntiquitĂ©. Quelles que soient les contradictions qui traversent certains des critiques de l’époque, la promotion de ces mythologies italiennes » relĂšve in fine de la contre-culture ; l’insistance sur la bande dessinĂ©e en fait foi. On n’est donc guĂšre Ă©tonnĂ© de trouver chez les critiques surrĂ©alisants de Positif une attention particuliĂšre Ă  ce nouveau genre, en particulier chez GĂ©rard Legrand qui opĂšre un premier bilan du mouvement25, quelques mois toutefois aprĂšs un article de synthĂšse de Jacques Siclier paru dans les Cahiers26. Alors que ce dernier insiste sur trois caractĂ©ristiques principales l’économie particuliĂšre de ces films qui recyclent Ă  l’envi les dĂ©cors de CinecittĂ , l’influence de la bande dessinĂ©e, le rĂ©emploi de la mythologie antique au profit de la crĂ©ation d’une mythologie cinĂ©matographique nouvelle, Legrand relĂšve les sous-genres, Ă©galement au nombre de trois, qui lui permettent de dĂ©crire les lignes de force de cette tendance du cinĂ©ma italien le film Ă  prĂ©tention historique » qui trouve ses racines dans le Scipion l’Africain de Carmine Gallone et dont le grand illustrateur est Cottafavi, le film mythologique dont la sĂ©rie des Hercule est l’emblĂšme, le film fantastique s’ancrant dans l’AntiquitĂ© Maciste en enfer, Le GĂ©ant de Thessalie notamment, ces deux derniĂšres sĂ©ries Ă©tant le mieux reprĂ©sentĂ©es par Riccardo Freda. 27 Cette concomitance de l’invention » du genre et de sa disparition des Ă©crans, aprĂšs l’échec reten ... 28 On pourrait mener de la sorte une histoire de la rĂ©ception des genres considĂ©rĂ©s comme mineurs du c ... 11Dans cet Ă©loge du pĂ©plum, qui survient Ă  un moment oĂč il laisse transparaĂźtre les premiers signes d’un essoufflement durable la production est brutalement suspendue vers 1964-1965, au profit des westerns europĂ©ens27, plusieurs constats s’imposent. D’une part, il est bien reconnu comme un genre Ă  part entiĂšre, dont l’emprunt aux formes cinĂ©matographiques les plus Ă©tablies film noir, western contribue Ă  la richesse. D’autre part – et ce n’est pas le moins drolatique des paradoxes de cette histoire – les chapelles cinĂ©philes se rejoignent sur les marges et l’on communie, Ă  Positif comme aux Cahiers du cinĂ©ma moins Ă  CinĂ©ma, dans le culte de Cottafavi et de Freda. Une histoire des marges du cinĂ©ma permettrait certainement de tracer bien des ponts entre les fractions antagonistes de la cinĂ©philie, et il serait intĂ©ressant de voir en quoi le pĂ©plum deviendrait un paradigme de cette relation clandestine entre les deux grandes rivales des annĂ©es 1950 et 196028. Enfin, il est juste de conclure que la rĂ©trospection plutĂŽt que l’histoire s’abrite derriĂšre une entreprise critique qui raisonne en termes de genres » et d’auteurs » au dĂ©triment de l’apprĂ©hension culturelle du phĂ©nomĂšne. Seul CinĂ©ma 64 tente d’en prendre la mesure, en reprenant l’article de Vittorio Spinazzola, que ne dĂ©savouerait pas un historien culturaliste du dĂ©but du xxie siĂšcle recettes, organisation de l’exploitation, rĂ©partition gĂ©nĂ©rationnelle des cinĂ©astes, histoire et sources culturelles du genre, relation entre les films et l’histoire contemporaine et pour finir rĂ©flexion sur le silence de la critique, tout contribue ici Ă  l’écriture d’un fragment de l’histoire du cinĂ©ma populaire italien. Le jugement des flĂšches historiens du cinĂ©ma vs film historique 29 G. Legrand, art. cit. Nous soulignons. 12Nous avons relevĂ© en introduction l’absence ou la quasi-absence du film historique Ă  sujet antique chez les historiens du cinĂ©ma. Celle-ci s’inscrit dans une tradition française qui consiste Ă  apprĂ©hender l’histoire du cinĂ©ma non comme une histoire des genres mais plutĂŽt comme une histoire des nations cinĂ©matographiques ou encore des auteurs de cinĂ©ma. On sait que les annĂ©es 1950 correspondant Ă  l’explosion du film Ă  sujet mythologique furent aussi celles du combat en faveur de la politique des auteurs, celles qui virent une nouvelle vague » se substituer Ă  l’ancienne, en France dans un premier temps, puis en Italie mĂȘme. Or cette question de l’auteur Ă©tait fondamentale pour un Mardore par exemple, mais aussi pour GĂ©rard Legrand dont la visĂ©e Ă©tait de grouper quelques observations par “sous-genres” pour dĂ©gager des lignes de force, indiquer des Ă©lĂ©ments d’apprĂ©ciation et faire apparaĂźtre les signatures les plus valables29 ». 30 J. Zimmer, Un cinĂ©ma populaire le peplum », Image et Son, revue de cinĂ©ma, n° 196, 1966, p. 58- ... 13Il se trouve que les textes de Siclier, de Legrand, mais aussi de Jacques Zimmer dans Image et Son30 se prĂ©sentent comme autant de bilans, Ă  visĂ©e rĂ©trospective et dĂ©jĂ  historienne. En tĂ©moigne le retour que tous ne manquent pas de faire sur Scipion l’Africain, Ă  une Ă©poque oĂč la production muette leur restait largement inconnue puisque la plupart des films du premier Ăąge d’or », celui des annĂ©es 1910, Ă©taient alors considĂ©rĂ©s comme perdus. Tous ces critiques rĂ©servent par ailleurs une place essentielle Ă  la fantaisie dont font preuve les productions populaires du genre mythologique. TrĂšs peu s’intĂ©ressent, non pas seulement Ă  l’économie de ces films, mais aux attendus de la production, en un mot aux motivations des producteurs et aux raisons de cette efflorescence. Or c’est justement ce qui rapproche les films Ă  costumes des annĂ©es 1950-1960 de ceux des annĂ©es 1910. Il s’agissait alors de conquĂ©rir un nouveau public, de nouveaux marchĂ©s, mais avec des visĂ©es pour ainsi dire opposĂ©es. Comme le rappelle en effet Vittorio Spinazzola, c’est en vue de surmonter une crise sans prĂ©cĂ©dent du cinĂ©ma italien que plusieurs maisons de production se lancĂšrent dans le financement de films Ă  sujet mythologique Ă  partir des annĂ©es 1957-1958. De mĂȘme, la fabrication des films historiques Ă  grand spectacle dans l’Italie fraĂźchement unifiĂ©e des annĂ©es 1910 eut pour objectif la conquĂȘte de nouveaux publics, grĂące au recours Ă  des formes cinĂ©matographiques renouvelĂ©es. Dans les annĂ©es 1950, 31 V. Spinazzola, art. cit., p. 55. Le cinĂ©ma pouvait profiter infiniment d’un patrimoine culturel largement partagĂ© par les masses, dans lesquelles [sic] les aventures, les mythes, les rĂ©cits des classiques s’étaient accumulĂ©s au cours des siĂšcles, Ă  l’aide d’une production littĂ©raire jamais interrompue31. 14Au fond – et c’est cela qui est extraordinaire – dĂšs 1911, en pleine premiĂšre vague des films Ă  costumes et Ă  sujet antique, l’un des tout premiers historiens du cinĂ©ma abordait l’essor de la production italienne selon un angle analogue 32 Il s’agit de la version produite par la firme Ambrosio en 1908 et dirigĂ©e par Luigi Maggi sur un sc ... 33 V. Jasset, Étude sur la mise en scĂšne en cinĂ©matographie », CinĂ©-journal, n° 166, 28 octobre 1911 ... L’Italie monopolisa la scĂšne Ă©cole se formaElle visa Ă  l’effet d’ensemble plus qu’au dĂ©tail, chercha Ă  Ă©tonner elle entassa dĂ©cor sur dĂ©cor, mit en mouvement des masses de figuration, rĂ©glĂ©es avec entrain, souvent avec pittoresque, mais pas toujours avec le souci de l’exactitude du costume et de la reconstitution. [
]Pourtant, presque Ă  ses dĂ©buts, l’Italie produisit un chef d’Ɠuvre qui, trois ans aprĂšs, malgrĂ© la rapide Ă©volution faite en ce laps de temps, apparaĂźt comme une des meilleures Ɠuvres de la mise en scĂšne au cinĂ©. Je veux parler des Derniers jours de PompĂ©i32 qui, dĂšs sa prĂ©sentation, rĂ©volutionna le marchĂ© par son sens artistique, sa mise en scĂšne soignĂ©e, l’habiletĂ© de ses trucs, sa largeur de conception et d’exĂ©cution en mĂȘme temps que par son exceptionnelle qualitĂ© photographique33. 34 G. Sadoul, Histoire du cinĂ©ma mondial, Paris, Flammarion, 1959 1re Ă©dition 1949, p. 93. 35 M. BardĂšche et R. Brasillach, Histoire du cinĂ©ma, Paris, DenoĂ«l et Steele, 1935, p. 59. 15Dans l’esprit de l’auteur de ces lignes, Victorin Jasset, principal rĂ©alisateur de la sociĂ©tĂ© Éclair, homme de scĂšne et de cinĂ©ma disparu prĂ©maturĂ©ment en 1913, l’école italienne permit donc la crĂ©ation d’une forme nouvelle, aux origines du dĂ©veloppement du cinĂ©ma comme art, et cette forme s’appelle le film historique. Il ne s’agissait pas de rĂ©pondre ici Ă  une crise de production, mais Ă  l’absence de solution nationale pour la production cinĂ©matographique transalpine. Si la rĂ©ponse italienne Ă  l’absence de forme cinĂ©matographique spĂ©cifique permit dans l’immĂ©diat l’accĂšs Ă  de nouveaux marchĂ©s, les principaux historiens du cinĂ©ma considĂ©rĂšrent par la suite qu’il s’agissait lĂ  d’une impasse esthĂ©tique. Dans l’Histoire du cinĂ©ma mondial, Sadoul insiste sur l’orgie romaine » des films historiques34, citant tour Ă  tour Nino Oxilia, Guazzoni, Caserini ou Pastrone. BardĂšche et Brasillach, avant Sadoul, fustigĂšrent bien davantage le lyrisme de pacotille auquel entraĂźnaient les cartes postales gĂ©antes de Cabiria et son esthĂ©tisme grandiloquent35 », grandiloquence qui devait le mener Ă  sa perte. Aux yeux des deux historiens amateurs, les spectacles offerts par ces films 36 Id., ibid., p. 59-60. Etaient pourtant assez beaux. Des chanteurs obĂšses drapĂ©s dans leur toge, d’abondantes matrones saluant Ă  la romaine ou secouant des rameaux d’olivier, de courts lĂ©gionnaires trottant Ă  petits pas, des foules baissant ou levant le pouce avec d’imaginaires cris de mort, constituaient le fond indispensable de ces films Ă  grand orchestre. Ce n’étaient qu’orgies romaines, pluies de fleurs, jeux de cirque, et l’on finissait en beautĂ© sur de magnifiques incendies de citĂ©s en carton qu’un empereur monoclĂ© et ventru considĂ©rait avec une bĂ©atitude de prĂ©lat36. 37 Lo Duca, Histoire du cinĂ©ma, Paris, Presses universitaires de France, 1947 1re Ă©dition 1941 ... 16On le voit, les passages obligĂ©s du pĂ©plum moderne sont dĂ©jĂ  bien identifiĂ©s ici, mais sous des atours intentionnellement grotesques qui en disent long sur l’estime que BardĂšche et Brasillach portent Ă  ce genre inventĂ© par les Italiens. En rĂ©alitĂ©, pour les auteurs, fort imprĂ©gnĂ©s en cela de la cinĂ©philie des annĂ©es 1920, c’est tout ce style de cinĂ©ma qui Ă©tait condamnable, parce que s’éloignant d’une tentative d’autonomisation de l’art cinĂ©matographique au profit d’une lĂ©gitimation s’appuyant sur les moyens expressifs du théùtre. Cet alignement du cinĂ©ma sur le théùtre ou l’opĂ©ra est perçu comme un contresens historique qui Ă©loignera durablement les historiens du cinĂ©ma de ce type de production cinĂ©matographique. On en trouve encore les traces chez Lo Duca par exemple, dans L’Histoire du cinĂ©ma parue dans la jeune collection Que sais-je ? Deux Ă©coles se formĂšrent celle qui cultivait les fleurs de serre que sont les femmes fatales, et celle qui cultivait les souvenirs archĂ©ologiques avec l’appui de fort grasses vestales, de CĂ©sars frisĂ©s et de gladiateurs en » Divisme et goĂ»t de l’Antique sont ici prĂ©sentĂ©s comme Ă©galement responsables d’une chute vertigineuse de la qualitĂ© du film italien, et par consĂ©quent de la qualitĂ© du cinĂ©ma dans son ensemble. 17Contrairement Ă  ce que l’on aurait pu imaginer, les sources du mĂ©pris des historiens du cinĂ©ma – j’ajouterais des historiens cinĂ©philes – ne reposent pas sur la dimension populaire du film historique, mais au contraire sur la prĂ©tention artistique qui l’anime. Le genre du film historique, identifiĂ© comme tel dĂšs 1911 nous l’avons vu, est initialement envisagĂ© comme une stĂ©rilisation de l’art cinĂ©matographique. À cette marque infamante originelle s’ajoutera plus tard la dimension populaire du genre qui, si l’on en croit Spinazzola, devient mĂ©prisable parce que populaire, Ă  plus forte raison si l’on considĂšre en regard de cette production la richesse du cinĂ©ma italien des annĂ©es 1950-1960 38 V. Spinazzola, art. cit., p. 66. Cet important filon de production, auquel sont intĂ©ressĂ©s des millions de spectateurs, n’a jusqu’ici sollicitĂ© en Italie aucune rĂ©flexion critique. Sur les quotidiens, les comptes-rendus [sic] des films historico-mythologiques sont habituellement confiĂ©s Ă  un hĂątif intĂ©rim » qui s’en tire avec quelques mots ironiques et mĂ©prisants ; dans les revues spĂ©cialisĂ©es, l’argument est jugĂ© digne, tout au plus, d’une note genre Ă©tude de mƓurs. Nous assistons en somme Ă  une nouvelle dĂ©monstration du traditionnel mĂ©pris des intellectuels italiens pour le produit populaire, pour l’Ɠuvre qui s’adresse au vulgaire, et qui n’a rien Ă  voir avec l’art38. 39 L’expression est empruntĂ©e Ă  Michel Mardore, Les Couleurs du ParthĂ©non » art. cit., p. 57. 40 V. Spinazzola, art. cit., p. 67. 41 Id., ibid., p. 72. 42 Production de films et de moderne mythologie qu’il conviendrait de mettre en regard de celle qui se ... 18Au fil de l’histoire du cinĂ©ma, la perception du film Ă  sujet antique, du pĂ©plum donc, peut ĂȘtre lue Ă  la lumiĂšre de ce complexe mouvement de lĂ©gitimation artistique du cinĂ©ma. LĂ©gitimation dĂ©sirĂ©e par les producteurs italiens des annĂ©es 1900, au premier rang desquels l’Ambrosio, la Cines et l’Itala Film, et contre laquelle les premiers cinĂ©philes s’érigĂšrent au nom d’une expression cinĂ©matographique autonome qui devait s’affranchir des rĂšgles du vieux théùtre, pour bĂątir un art, septiĂšme du nom, qui n’avait rien Ă  devoir Ă  ses prĂ©dĂ©cesseurs. LĂ©gitimation enfin atteinte avec le canon nĂ©orĂ©aliste, auquel Ă  l’orĂ©e des annĂ©es 1960 certains critiques français opposĂšrent le nĂ©o-irrĂ©alisme »39 de la production italienne. Spinazzola encore dĂ©crit bien l’attachement des cinĂ©philes et des critiques italiens Ă  l’expĂ©rience nĂ©o-rĂ©aliste » comme canon insurpassable pour toute cinĂ©matographie digne de ce nom40 », au contraire de la critique française attentive Ă  la crĂ©ation [
] d’une Ă©popĂ©e des origines de la civilisation europĂ©enne41 ». On comprend mieux dans ces conditions que les critiques rompus Ă  la dĂ©construction de la culture classique, tout imprĂ©gnĂ©s qu’ils en fussent Legrand ou Mardore avaient fait leurs humanitĂ©s, brisĂšrent leurs premiĂšres lances en faveur de cette production Ă  proprement parler contre-culturelle42. Que, sur les ruines fumantes de la culture classique, une antiquitĂ© fantasmatique doublĂ©e d’un syncrĂ©tisme historique ait donnĂ© naissance Ă  une nouvelle mythologie cinĂ©matographique fondĂ©e par les plus Ă©rudits des critiques de l’époque n’est pas le moindre paradoxe du pĂ©plum. Haut de page Bibliographie Agel 1955 Henri Agel, Dans le sillage d’Ulysse », CinĂ©ma 55, n° 5, 1955, p. 81. Aknin 2009 Laurent Aknin, Le PĂ©plum, Paris, Armand Colin, 2009. Aubert 2009 Natacha Aubert, Un CinĂ©ma d’aprĂšs l’antique du culte de l’AntiquitĂ© au nationalisme dans la production muette italienne, Paris, L’Harmattan, 2009. 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Carcassonne dir., Le CinĂ©ma, Paris, Bordas, 1983. 6 F. Buache, Le CinĂ©ma italien, 1945-1979, Lausanne, L’Âge d’homme, 1979. 7 Id., ibid., p. 26. 8 Id., ibid. 9 Citons entre autres de cet auteur Guide de l’AntiquitĂ© imaginaire. Roman, cinĂ©ma, bande dessinĂ©e, Paris, Les Belles Lettres, 2008 ; Le PĂ©plum, un mauvais genre, Paris, Klincksieck, 2009. 10 Voir par exemple l’ouvrage extrait de la thĂšse de Natacha Aubert, Un cinĂ©ma d’aprĂšs l’antique du culte de l’AntiquitĂ© au nationalisme dans la production muette italienne, Paris, L’Harmattan, 2009. 11 Entendons ici ce qualificatif au sens Ă©tymologique du terme, dĂ©signant donc des historiens amoureux » de leur sujet. 12 Cf. HervĂ© Dumont, L’AntiquitĂ© au cinĂ©ma. VĂ©ritĂ©s, lĂ©gendes et manipulations, Paris, Nouveau Monde Ă©ditions-Lausanne, CinĂ©mathĂšque suisse, 2009. 13 Voir aussi les travaux de Laurent Aknin, Le PĂ©plum, Paris, Armand Colin, 2009, et de FrĂ©dĂ©ric Martin, L’AntiquitĂ© au cinĂ©ma, Paris, Dreamland, 2002. 14 V. Spinazzola, article publiĂ© dans le dossier Le carnaval des demi-dieux », CinĂ©ma 64, n° 85, 1964, p. 45. 15 Ces donnĂ©es sont issues des chiffres du cinĂ©ma en France disponibles sur le site du CNC, pour les annĂ©es 1953 , 1958 et 1960 . 16 Sur la revue CinĂ©ma et son rĂŽle dans la dĂ©couverte de genres ou de cinĂ©matographies jusqu’alors considĂ©rĂ©s comme mineurs, nous renvoyons Ă  AnaĂŻs Armanville, CinĂ©-club et Ă©ducation populaire les dĂ©buts de la revue CinĂ©ma 1954-1971 », mĂ©moire de master 2 d’histoire contemporaine, UniversitĂ© Toulouse-Le Mirail, 2009. 17 C. Aziza, Le PĂ©plum, un mauvais genre, op. cit., p. 13 et sqq. 18 B. Tavernier, Mythologies italiennes », CinĂ©ma 61, n° 58, 1961, p. 115. 19 Id., ibid., n° 59, aoĂ»t-septembre 1961, p. 115. 20 Id., ibid. 21 R. Borde et É. Chaumeton, Panorama du film noir, Paris, Ă©ditions de Minuit, 1955. À propos de l’édification du film noir en genre majeur, nous renvoyons aux diffĂ©rentes Ă©tudes de Jean-Pierre Esquenazi, dont Le Film noir. Histoire et significations d’un genre populaire subversif, Paris, CNRS Ă©ditions, 2012, et sur l’apprĂ©hension critique du genre, L’invention française du film noir. L’acte critique, entre taxinomie, interprĂ©tation et prise de position », dans M. ChĂ©netier-Alev et V. Vignaux dir., Le texte critique. ExpĂ©rimenter le théùtre et le cinĂ©ma aux xxe-xxie siĂšcles, Tours, Presses universitaires François-Rabelais, 2013, p. 337-350. 22 Török, Le Maciste ne passera pas », Midi-Minuit fantastique, n° 6, 1963, p. 81-83. 23 M. Mardore, La nuit », Cahiers du cinĂ©ma, n° 132, 1962, p. 50. 24 Id., Les couleurs du ParthĂ©non », Cahiers du cinĂ©ma, n° 122, 1961, p. 58. 25 G. Legrand, Le peplum et la cape prĂ©cisions sur le cinĂ©ma italien d’inspiration fantastique », Positif, n° 50-51-52, 1963, p. 170-179. 26 J. Siclier, L’ñge du pĂ©plum », Cahiers du cinĂ©ma, n° 131, 1962, p. 26-38. 27 Cette concomitance de l’invention » du genre et de sa disparition des Ă©crans, aprĂšs l’échec retentissant de la ClĂ©opĂątre de Mankiewicz, pourrait bien relever d’une posture contre-culturelle propre Ă  une partie de la critique il s’agit d’apprĂ©cier ce qui dĂ©cline, d’élever Ă  la dignitĂ© artistique ce qui ne tardera pas Ă  disparaĂźtre. 28 On pourrait mener de la sorte une histoire de la rĂ©ception des genres considĂ©rĂ©s comme mineurs du cinĂ©ma, en s’arrĂȘtant sur le fantastique et l’horreur, le western europĂ©en, le giallo » ou encore le mĂ©lodrame. 29 G. Legrand, art. cit. Nous soulignons. 30 J. Zimmer, Un cinĂ©ma populaire le peplum », Image et Son, revue de cinĂ©ma, n° 196, 1966, p. 58-74. 31 V. Spinazzola, art. cit., p. 55. 32 Il s’agit de la version produite par la firme Ambrosio en 1908 et dirigĂ©e par Luigi Maggi sur un scĂ©nario de Roberto Omegna. 33 V. Jasset, Étude sur la mise en scĂšne en cinĂ©matographie », CinĂ©-journal, n° 166, 28 octobre 1911 et n° 167, 4 novembre 1911. 34 G. Sadoul, Histoire du cinĂ©ma mondial, Paris, Flammarion, 1959 1re Ă©dition 1949, p. 93. 35 M. BardĂšche et R. Brasillach, Histoire du cinĂ©ma, Paris, DenoĂ«l et Steele, 1935, p. 59. 36 Id., ibid., p. 59-60. 37 Lo Duca, Histoire du cinĂ©ma, Paris, Presses universitaires de France, 1947 1re Ă©dition 1941, p. 32. 38 V. Spinazzola, art. cit., p. 66. 39 L’expression est empruntĂ©e Ă  Michel Mardore, Les Couleurs du ParthĂ©non » art. cit., p. 57. 40 V. Spinazzola, art. cit., p. 67. 41 Id., ibid., p. 72. 42 Production de films et de moderne mythologie qu’il conviendrait de mettre en regard de celle qui se met en place autour du cinĂ©ma fantastique ou de la science-fiction sensiblement Ă  la mĂȘme de page Pour citer cet article RĂ©fĂ©rence Ă©lectronique Christophe Gauthier, D’un genre mal-aimĂ© le pĂ©plum », Mise au point [En ligne], 15 2022, mis en ligne le 10 mars 2022, consultĂ© le 25 aoĂ»t 2022. URL ; DOI de page Lecostume de ces comiques qui donnaient des spectacles au milieu de la rue dans des scĂšnes provisoires Ă©tait en tous points semblables Ă  celui qu arborait l acteur principal Ï€ÏÏ‰Ï„Î±ÎłÏ‰vÎčÏƒÏ„ÎźÏ‚ qui jouait dans les comĂ©dies prĂ©sentĂ©es Ă  athĂšnes lors des concours en l honneur de dionysos7. Vikiliens pour complĂ©ter sur le théùtre Ă  rome dans l antiquitĂ© modifier modifier le PrĂ©sentation Depuis l’AntiquitĂ©, la malĂ©diction qui frappe la famille des Atrides hante le théùtre occidental, du supplice de Tantale, l’aĂŻeul, jusqu’au sacrifice d’IphigĂ©nie. Racine comme Euripide se sont penchĂ©s sur Agamemnon, ce pĂšre qui, pour convoquer les vents nĂ©cessaires afin de rallier Troie et gagner la guerre, fait Unmetteur en scĂšne. Afin de donner encore plus d’ampleur au spectacle, l’association Ă  fait appel pour 2022 Ă  un metteur en scĂšne. Robert Lecocq, passionnĂ©, travaille dans ce domaine depuis plus de 25 ans. Metteur en scĂšne d’une compagnie, il va apporter son Ɠil d’expert, donner du sens et crĂ©er une nouvelle dynamique. 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